LES PETITES HISTOIRES DU MELLOIS
Le Mellois, quelle Histoire ! Remontons le temps l’espace d’un court instant et laissez-vous conter les anecdotes historiques du Pays Mellois qui ont marqué leur époque. Qu’importe le siècle, qu’importe le lieu, une petite histoire se cache toujours derrière la grande...
La nuit tombe sur le hameau des Touches à Thorigné. Ma femme et moi échangeons un regard. Comment pouvions-nous savoir que c’était l’un des derniers moments que nous passions ensemble ? Cela fait trois ans que notre foi est devenue interdite, illégale dans tout le pays. Notre roi Louis XIV a révoqué l’Édit de Nantes, et depuis les protestants semblent être devenus invisibles et silencieux, terrifiés par les rafles des dragons, ces missionnaires autorisés à presque tous les sévices pour obtenir notre conversion à la foi catholique. Nous avons été forcés de céder, mais nous sommes en février 1688 et il est temps pour la foi huguenote de se relever. Il aurait été facile de dire que nous répondrions à la violence par la violence, que nous nous battrions jusqu’à la fin. En réalité, il n’en est rien, si nous tentons de nous rassembler en secret, ce n’est que pour faire renaître une ferveur qu’on croyait éteinte. En ce début d’année, de nombreuses assemblées se multiplient dans la région passant de 50 fidèles à plus de 6000 en un mois.
Je me nomme Thomas Marché, j’ai 53 ans et je suis maréchal ferrant. On me surnomme Le Grand Thomas ou encore le Grand des Touches. Les Dragonnades ne me font plus peur, même si elles m’ont déjà conduit dans les prisons du roi, et m’ont enlevé mon frère. Pour l’heure, je me saisis de ma bible soigneusement dissimulée dans un coffre et me dirige à l’une des petites assemblées du bourg. Un grand rendez-vous se prépare à Grand Ry le lendemain. Alors que je m’apprête à passer la porte, ma femme me saisit le bras et me conduit au cellier par la petite trappe, un passage qui me permet d’atteindre la petite ruelle de derrière.
En revenant chez moi, ma femme m’attendait. A peine eu-je atteint la ruelle, me dit-elle, qu’une horde de soldats s’était engouffrée dans la maison à ma recherche porteuse d’un décret de prise de corps pour les autres assemblées que j’ai mené. Par chance, il était trop tard. C’est un coup de Marsault qui n’a de cesse de réclamer ma tête. Ma femme m’interdit de me rendre au Grand Ry le lendemain. C’est de la pure folie, qui plus est en plein jour. Tout le monde y compris Marsault est au courant de cette assemblée. Les enfants se joignent à ses supplications et à ses pleurs. J’abdique.
Le lendemain matin, quatre frères viennent me chercher. Jacques Guérin est parmi eux, ardent huguenot, il s’insurge contre mon refus de me rendre à Grand-Ry. Il ne m’en fallu pas plus pour que le courage et ma foi rejaillissent. Je les accompagne donc au logis de Grand Ry. En arrivant sur les lieux, je découvre une foule considérable. Trop nombreux, nous décidons de nous éloigner du bâtiment jusque dans un pré bordé de haies et d’un ruisseau, tout proche d’un petit bois. On chante alors des psaumes et des prières. Nous lisons le Vieux Testament puis le jeune Magnan, 15 ans, est désigné pour lire le sermon. Midi allait sonner lorsque des tambours résonnèrent au loin. Au même moment, un lieutenant et dix dragons surgirent, commandés par l’Intendant Foucault. Immobiles nous étions pris sur le fait. Aussitôt la lecture s’arrêta. Un murmure parcourut l’assemblée. Que fallait-il faire ? Se disperser jusqu’au bois dans lequel on pouvait encore se cacher ? Très vite il fut convenu que nous resterions sur place, assumant notre présence et prouvant à tous que nos intentions n’étaient que pacifiques et tournées vers la prière. D’ailleurs, certains se mirent immédiatement à genoux en priant. Mais les dragons fondirent sur la foule et nous cernèrent rapidement. Se dégageant des troupes, tués Marsault fonça sur moi en me saisissant par le collet « je te tiens, mon grand pilier d’église ! » « Vous êtes les maîtres de mon corps, mais mon âme appartient à Dieu il en fera ce qu’il voudra », lui répondis-je. Certains parfois blessés, parvinrent à s’enfuir. Mais un groupe entier fut saisi puis enfermé dans la grange de Grand Ry jusqu’au lendemain. Une trentaine d’entre nous est condamnée aux galères, Quant à Pierre Rousseau, fermier de Grand Ry, Jacques Guérin de Sainte-Blandine et moi-même, sommes condamnés à la pendaison à Saint-Maixent.
Les trois potences dressées, nous avançons vers elles sous les yeux des prêtres, convaincus qu’un ou deux d’entre nous céderions à la peur et qu’ils parviendraient à ébranler notre foi. Je parviens à rassurer Rousseau pris de panique me forçant à prendre un visage gai et optimiste. « La douleur ne sera pas longue, ne tremblons pas à l’approche de la mort ». Me voilà maintenant la corde au cou, une prière au bout des lèvres.
« Parle à mon âme, en sa frayeur
Et dis-lui : je suis Ton Sauveur.
…Tous mes sens, mes os et mon cœur
Ô Dieu, diront à Ton honneur :
Est-il quelqu’un à Toi semblable ?
Ta main soutient le misérable,
Par Toi, l’innocent affligé
De plus pusisant se voit vengé…
Mon Dieu, mon Seigneur, lève-Toi !
Mon Dieu, juge et juge pour moi !
Le logis du Grand Ry quant à lui fut entièrement rasé. Il ne subsiste aujourd’hui que la tour. Malgré cet épisode, de nombreuses assemblées se retrouvèrent en ce lieu et partout en Mellois jusqu’en 1787 date de l’Édit de Tolérance ou de Versailles.
Source :
RIVIERRE J., DURAND J. Le Drame de Grand Ry
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Carnet pratique :
Pour en savoir plus sur le Drame de Grand Ry et sur l'Histoire des protestants en Mellois, rendez-vous à La Maison du Protestantisme poitevin, place de la mairie 79370 Beaussais.
05 49 32 83 16 / 05 49 32 37 66
Voix off :
Jean-Paul Chaudron
Musique :
Barilicious - Dan Lebowitz
Wind Marching for Rain - Puddle of Infinity
Three Kinds of Suns - Norma Rockwell
City Plaza - Dan Bodan
They Might Not - Puddle of Infinity
Staring at the sun - The 126ers
St. Francis - Josh Lippi and the Overtimers
Tupelo Train - Chris Haugen